Né en 1970, Arnaud Rebotini est le Dr Jekyll et M. Hyde de la scène électronique. Alias Zend Avesta, il signe en 2000 un album très remarqué, c’est son côté Rock-Pop. Alias Arnaud Rebotini, il se produit sur les principales scènes de la musique électronique et présente aujourd’hui dans la salle Olivier Messiaen l’aboutissement d’un travail de recherche et d’expérimentation.
Quel a été le parcours qui vous a conduit à créer aujourd’hui une pièce pour l’INA-GRM?
Depuis la fin de mon adolescence, j’ai joué avec plusieurs groupes que je qualifierai, pour faire court de “ Rock ”, c’est-à-dire des groupes à guitare. Puis j’ai été attiré par une certaine Pop anglaise qui avait encore un aspect mélodique mais avec une approche bruitiste notamment avec les saturations des sons de guitare. Ensuite, j’ai été influencé par les groupes les plus “bruitistes” de la scène new Yorkaise comme Sonic Youth qui faisaient des choses beaucoup plus dissonantes : là on rentre carrément dans l’open tuning au niveau des guitares, le travail sur les larsens, la distorsion , les rythmes un peu biscornus. J’ai donc commencé par faire ça, puis un jour j’ai récupéré un quatre pistes, deux, trois machines et j’ai fait du montage de bandes. Je ne connaissais pas encore la musique contemporaine, j’étais surtout inspiré par la musique industrielle, par des groupes comme North, qui ont fait au début des années 80 un travail comparable à celui des compositeurs du GRM, sans vraiment savoir que ça existait déjà.
J’ai suivi la même démarche et je suis venu ensuite à la techno, par les première raves en France. J’ai continué en y intégrant mes premières influences plus bruitistes. Enfin la découverte de la musique contemporaine a pas mal changé mon approche.
Toutes ces influences, rock, hard, métal se conjuguent-elles actuellement dans votre travail ?
Dans le travail que je fais aujourd’hui je mélange effectivement toutes ces influences, rock, techno, au sens premier du terme, c’est-à-dire pour tout ce qui concerne le travail des rythmes. On se construit en écoutant et en expérimentant. Au début je me suis cherché entre pas mal de styles , je commençais par copier, c’est-à-dire que j’essayais de refaire les disques que j’aimais bien. Au bout d’un moment on s’affranchit des influences et finalement le style du compositeur se dégage, par rapport à son parcours, à ses goûts. Je me suis fait comme ça avec tous ces éléments et dans ma musique ça ressort, c’est inévitable.
Pensez-vous qu’il existe un fossé entre musiques savantes et musiques populaires ?
Oui, mais au milieu, il y a une troisième voie : ce sont des gens qui cherchent d’une manière intuitive sans passer par une approche conceptuelle ou parfois scientifique comme certains musiciens de l’IRCAM ou du GRM. Dans le rock au sens large, il y a donc des gens qui cherchent dans différentes directions et qui développent une musique que l’on pourrait qualifier d’expérimentale. J’appartiens à ce mouvement qui remonte au début des années soixante avec des groupes comme Captain Beefheart, puis s’est poursuivi dans les années soixante dix avec toute la vague psychédélique, et enfin la musique industrielle des années quatre-vingts et la techno aujourd’hui.
Quelle est la démarche qui sous tend la création ce soir de votre pièce Particules?
En me passant commande, Daniel Teruggi m’a assuré d’une totale liberté et m’a demandé de l’exprimer. Dans un lieu où l’on a l’habitude de venir écouter des musiques savantes, j’essaie d’apporter les éléments qui correspondent à mon parcours : l’aspect techno et le travail autour des rythmes fondamentaux. Il ne s’agit pas d’un discours sur le rythme comme on en trouve dans la musique savante, je pense à Stravinski ou à certaines œuvres de Boulez mais d’un travail sur la répétition avec son aspect hypnotique. Je suis touché par la musique américaine bien que son approche harmonique consonante ne me satisfait plus, alors j’oriente mes recherches vers le timbre et les mélodies de timbres. Je construis des courtes cellules rythmiques ou sonores et par répétitions et variations je joue avec. Il y aussi une place laissée à l’improvisation instrumentale, ce sont des espaces de liberté dans un cadre précis. L’improvisation m’intéresse quand elle est dirigée et contrôlée.
Avec cette œuvre je souhaite m’adresser à la fois à un public de spécialistes et à un public qui lit Les Inrocks c’est-à-dire à des gens nourris de pop et de musique électronique.
Qu’est ce qui a déterminé le choix du dispositif instrumental ?
J’ai choisi un dispositif instrumental assez large avec un violon, un alto, un violoncelle, une flûte, une clarinette et une clarinette basse, un cor, un piano et une basse électrique. Ce sont des instruments que j’aime particulièrement, joués par des interprètes qui comprennent le sens de mon travail. Je n’avais pas envie d’écrire pour un instrument donné mais de m’engager avec une large palette instrumentale. J’avais envie de travailler avec un panel de timbres assez large de manière à obtenir une cohérence entre l’électronique et les instruments. L’électronique est l’ossature de la pièce, elle y tient le rôle moteur, les instruments sont là pour “ colorer ” la musique.
Il y a un compositeur qui me touche particulièrement et que j’estime être un des premiers compositeurs de musique concrète, c’est Webern ; surtout pour ce qui concerne son approche des motifs, des timbres et de l’espace. J’utilise les instruments un peu à sa manière éclatée et ce qui constitue l’ossature et le liant de ma musique c’est l’électronique.
Quelle signification faut-il lire derrière le titre de la pièce, Particules ?
La pièce aurait pu s’appeler “cellules”en référence au travail de Luc Ferrari duquel je me sens assez proche. Je pense au côté un peu répétitif de “ Tautologos 3 ” avec un arrangement magnifique pour clarinette, clarinette basse qui résonne comme une sirène avant un séquence plus calme. Dans les années 70 alors que l’école américaine s’engageait à peine dans la voie de l’esthétique répétitive, Ferrari avait déjà abordé tout ça en y apportant une dimension plus européenne : dissonances, timbres variés et espace… C’était déjà un peu techno ….
Propos recueillis par Claude Mussou et Christian Zanesi
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.