Cette année, j’ai passé 4 mois à Dunkerque en résidence mission dans le cadre du CLEA (Contrat Local d’Education Artistique). Pendant 4 mois, j’ai habité dans un gîte avec 4 autres artistes et ça a été une sacrée expérience et découverte. Tout d’abord de Dunkerque, qui est magnifique avec son port, ses paysages de friches industrielles, ses dunes et la gentillesse inénarrable des habitants et aussi par le nombre de structures culturelles hallucinant. Cela m’a permis de faire de belles rencontres artistiques mais aussi de passer beaucoup de temps à Calais et de réaliser (hors CLEA) le machinima doc: Heroic Makers vs Heroic Land, actuellement exposé au Athens Photo Festival jusqu’à la fin du mois de juillet.
Une résidence mission consiste à travailler avec des publics jeunes de 5 à 25 ans ou avec des publics éloignés au moyen de gestes artistiques, imaginés dans un cadre scolaire, social ou d’accueil du public jeune. Une mission: sillonner le territoire dunkerquois et permettre l’accès à l’art et pour ma part aux jeux vidéo comme medium, pour le plus grand nombre. Le CLEA permet aussi de diffuser le travail des artistes, ce qui nous a donné l’occasion d’exposer notre travail à la Plateforme avec l’exposition s’étranger, mais aussi au FRAC dans le cadre de la Nuit des Musées et pour ma part de devenir Gamejay aux 4 écluses en jouant à des jeux indépendants en live pendant le concert des Margaret Catcher.
Cette résidence m’a par ailleurs permis de tester de nouvelles expériences en matière de mélange entre fiction et réalité, images réelles et images de synthèse, mais aussi en termes de déplacements entre la ville et le moteur de jeu. J’ai pu aborder la conception de quartiers de rues à l’intérieur d’un moteur de jeu et l’animation de personnages dans ces décors semi réels semi virtuels. Cela a été à l’origine des films réalisés à l’école Lamartine, au Collège Gaspard Malo, ainsi qu’avec l’école élémentaire Anatole France.
Il a été très intéressant de voir comment un moteur de jeu peut aider à se représenter l’environnement dans lequel on vit et à le représenter. Cela a aussi donné naissance à un autre type de représentation et de déplacements : la création de labyrinthes comme supports à la narration en lien avec la mythologie.
Une autre des directions abordées pour la première fois dans le cadre de cette résidence, est celle de la conception de galeries ou de musées virtuels à l’intérieur d’un moteur de jeu, en partant d’images d’oeuvres numérisées et de leur installation dans des espaces virtuels. Cela a permis aux enfants et aux collégiens de se réapproprier la question de l’exposition, se transformant tour à tour en architectes, en scénographes puis en commissaires d’exposition.
Et dans la relation que peut entretenir le jeu vidéo avec le monde de l’art, nous avons par ailleurs utilisé un moteur de jeu pour animer des tableaux de maîtres comme Degas ou Le Caravage, revisités en images de synthèse et de façon plutôt moderne par les collégiens du Collège Jules Ferry.
Le travail avec des publics éloignés était aussi un de mes objectifs avant de commencer la résidence et c’est avec grand plaisir que je ressors de mon expérience de film avec la classe des ULIS au Collège Gaspard Malo.
En effet je souhaitais depuis très longtemps travailler avec des autistes, à l’aide de la réalité virtuelle, ayant souvent lu que cela pouvait être utiliser pour travailler la notion d’altérité. J’ai vu avec ce projet qu’on peut aller beaucoup plus loin dans la relation en utilisant l’interface du jeu vidéo. Un projet que j’aimerais suivre par la suite.
De même, je souhaitais depuis longtemps travailler en prison et cette première expérience a été très positive, principalement dans la relation créée avec les détenus.
L’expérience a pour autant été trop courte et mériterait elle aussi d’être prolongée. Je devrais normalement travailler en 2017 dans la prison des Baumettes avec l’association Lieux fictifs autour de la question de la ville dans les jeux vidéo.
J’ai ensuite beaucoup apprécié de travailler en collaboration avec d’autres artistes du CLEA, comme pour la marche dans le quartier de ST Pol sur Mer avec Jérôme Giller ou dans le cadre de l’atelier en prison avec Nathalie Négro. Une occasion pour moi de travailler sur le pluri disciplinaire dans le cadre d’un projet machinima, me permettant ainsi d’aller à l’extérieur, ce qui est rare dans les projets liés au jeu vidéo, mais aussi d’explorer des pratiques plus physiques comme les percussions corporelles ou la direction de chant.
J’ai aussi été extrêmement heureuse de pouvoir expérimenter de jouer en live à des jeux indépendants sur de la musique électronique, me transformant ainsi en « Gamejay », un projet que je rêvais de tester et que le cadre du CLEA a rendu possible. Les musiciens acceptant en effet de tenter l’expérience même si ils ne connaissaient pas mon travail ni l’univers des jeux indépendants et les 4écluses acceptant aussi le caractère expérimental de cette aventure en me mettant en contact avec un groupe de musique.
Enfin, la résidence m’a permis de rencontrer Nathalie Négro avec laquelle nous préparons à présent une création – Cross by – entre piano et jeu vidéo, qui sera présentée dans la Scène Nationale des Salins le 29 novembre à Martigues. Un projet qui sera d’ailleurs diffusé au Bateau Feu en 2017, une belle manière de revenir sur le territoire avec un projet né dans le cadre d’une résidence mission.
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