Ce matin, je me suis réveillée et je n’étais plus chez moi. Je crois reconnaître la Hongrie… Que s’est-il passé cette nuit? Est-ce la neige qui brille? Peut-être que ce sont mes yeux qui me jouent des tours. J`allume mon ordinateur, ma console de jeux : non, rien n’a changé.
J’enfile mon casque, je le cale, bien et commence à jouer. Tout va mieux.
Je viens de recevoir un message d’Ultralab : mon rapport de voyage augmenté est attendu. Il faut que je me dépêche. L’image se brouille, c’est sûrement une attaque en règle de Johnny Ray. Il a déjà réussi à détruire plusieurs mondes: Ultracity, Underland…
Si je ne vais pas plus vite, Gomipark, la grande déchetterie virtuelle du réseau, aura bientôt disparu.
J’attire alors Johnny Ray dans le jeu RUIN, j’ai bien du mal à m’y retrouver, cet agent intelligent a bien trop d’identités différentes, je me vois maintenant à travers lui, je suis Johnny Ray.
Il faut que je sorte. Tu me manques. L’image qui me reste de toi s’efface peu ā peu, comme l’idée que je me fais du musée… Et pourtant ces pièces vides me font du bien, je reprends confiance et repose mon casque à terre. J’entends des cris et baisse la tête : au sol, je vois une arène, je plisse les yeux et crois reconnaître des collectionneurs d’art, s’affrontant dans un combat sans merci. Je pense alors à mes amis les Kolkoz. Je n’ai gardé d’eux qu’un portrait et une vidéo de vacances. Où sont-ils? L’image se brouille encore.
Je vais m’asseoir et me passe les nerfs sur mon tamagoshi vaudou. Heureusement qu’ils savaient me faire rire ces Kolkoz, je me détends et ferme les yeux. Je rêve d’eau et de bulles, Icon Tada, je le sens, s’est connecté à mon espace mental. Sa présence/absence me réconforte, ses jeux de formes me réjouissent. Il est temps de sortir : où est mon casque?
Voilà une forêt, mais pourquoi l’image se brouille-t-elle encore? Ah! enfin un point fixe, attends, je cligne des yeux, les ouvre à nouveau : un plombier marxiste à moustache? J’ai du faire erreur, ou bien s’agit-il encore d`une attaque du monde parallèle?
Je me suis peut-être perdue dans les dédales du réel virtualisé?
Ça y est maintenant, je me souviens, nous avons été attaqués et ça s’est passé cette nuit, j’en suis certaine. Je commande immédiatement la carte et en reçois douze, les 12 principales villes du monde ont été visitées: les envahisseurs de l’espace ont frappé, laissant leurs marques sur le territoire de mes rêves.
Je n’ai plus envie de jouer. Je préfère me rendormir. La vie est un songe.
Isabelle Arvers
Critique
Belgrade, Camps des Partizans, 27 avril 2004.
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